Livres en partage – mai 2019

Organisateur : Éric Broquère

 

Anne Roche
Ascension de Vincent Delacroix

Chaïm Stance-Rosenzweig, qui écrit de petits romans sous le pseudonyme de Vincent Delecroix, est amené à prendre la place de son frère Abel, romancier « sérieux » et qui a beaucoup de succès, dans la navette spatiale qui doit conduire un équipage pour des opérations de maintenance sur une navette amarrée à la Lune ou à Mars. Le récit est constamment entrelardé de récits à la traverse, au premier chef les aventures de l’aïeul du narrateur, Meïr Heschel, que Chaïm essaie de raconter malgré les interruptions de son auditoire qui s’ennuie, et les aventures de Sergueï, Antonio et les autres. Mais un jour surgit un passager clandestin, qui n’est autre que le Christ. C’est lui qui révélera la fin de l’histoire, toujours interrompue, de Meïr Heschel, qui après avoir traversé les siècles, finit par partir en fumée à Auschwitz. Et le Christ, épuisé d’avoir passé deux mille ans sur terre sans pouvoir rien changer à la misère humaine, décide de quitter la terre pour de bon, avec la navette.

Récit très virtuose, très amusant par certains aspects, qui vire à la métaphysique à peu près à la moitié (c’est un gros livre). Jusque-là, Chaïm a vitupéré son frère, condensé de tous les romanciers « sérieux » qui s’attaquent aux grands problèmes du temps, la lutte des classes, les migrants, la faim dans le monde, etc. Et puis hop : il s’y met. Car enfin, même s’il y a une certaine fantaisie à faire apparaître Jésus comme il le fait, que fait-il d’autre que de devenir à son tour un romancier sérieux, demandant des comptes à Dieu du mal dans le monde, avec toutes ses variantes ? On l’a reconnu sous son faux nez : c’est notre ami Delecroix-Rosenzweig qui s’attaque aux grands problèmes du temps. Je ne dis pas que ça ne marche pas, certains passages m’ont émue, mais je dis qu’il joue sur les deux tableaux et que c’est malhonnête. Malhonnête ? une éthique du romancier ? et alors, pourquoi pas ?

Cathie Pillé
A propos de Marcel Proust

Pour ceux qui n’ont jamais réussi à lire Marcel Proust mais qui s’accrochent :
1- Lire le très beau livre de Philippe Lançon, Le lambeau (vous avez de la chance, il est disponible à la bibliothèque du Corbu).
2- Sentir naitre la curiosité pour “Mort de ma grand-mère”, chapitre de “Le côté de Guermantes” que P. Lançon lit systématiquement avant d’aller au bloc opératoire.
3- Sentir la curiosité se transformer en envie…
4- Acheter CE texte (et surtout pas l’ensemble de l’ouvrage), aux Editions Cent Pages qui vous enverront un adorable petit ouvrage (ils ont triché, il n’y a pas 100 mais 109 pages, allez, on leur pardonne).
5- Sa toute petite taille le met totalement à votre portée, dégustez et régalez-vous !

Geneviève de Broche
Je suis un chat de Natsume Sôseki

Un chat observe son maître au fil des jours. Ce chat est cynique et moqueur. Outre son maître, il nous décrit les tableaux de la vie quotidienne du Japon à l’ère Meiji où le Japon passe du monde moyenâgeux au monde contemporain.
Sôseki s’identifie à ce chat et c’est lui-même qu’il décrit à travers ce chat.
Sôseki s’est inspiré du livre d’Hohhmann, le chat Murr. Un chef d’œuvre d’humour à lire et à relire.

Danièle Charpy
La mort du Vazir Moukthar de Iouri Tynianov

Ce Vazir-ministre en persan- est Griboïedov, poète, auteur dramatique, grande figure du romantisme russe et diplomate. Ce récit historique nous fait vivre sa dernière mission à 33 ans.
Suspect pour ses convictions décabristes, il est éloigné en Perse ; il en rapporte un célèbre traité et, devant ce succès, on le contraint d’y retourner afin de recueillir la rançon que le Shah tarde à payer.
Avec Griboïdov et son domestique on va du cœur du pourvoir impérial à Saint-Pétersbourg, en passant par les routes du sud, dangereuses, et où sévit la peste jusqu’à Tiflio et enfin Téhéran, la capitale exotique où règne l’hypocrisie et la violence.
La victoire diplomatique n’empêche pas l’émeute où il trouvera une mort abominable.
Cette chronique exacte et inventive fait défiler d’innombrables personnages, hauts en couleur et parfois caricaturés en des lieux pittoresques. On suit avec intérêt et émotion les situations qui ont conduit Griboïedov aux désillusions et à la mort.

Huguette Bailly
D’origine italienne d’Anne Plantagenet

L’auteur « va se tourner » vers le côté italien dont elle ne connaît rien si ce n’est qu’il faut une sacrée dose de désespoir pour laisser derrière soi sa famille, une dose monstrueuse de détresse pour quitter son pays pour une terre dont on ne connaît pas la langue, un sursaut de révolte, un refus de résignation. Mais il faut devenir plus français que les autres, ne plus parler italien. Dans les papiers de naturalisation, les prénoms sont francisés : Placido devient Placide. Il faut travailler comme des forçats pour déblayer le terrain pour les enfants, il faut aussi faire silence sur la vie passée, oublier la notion de plaisir.
En résumé : travail, famille, courage, fidélité, couple.
L’auteur rend hommage aux enseignants qui l’ont aidée à sortir de là et de gagner son autonomie.
Elle réussit tout de même à emmener sa mère en Italie. L’histoire du grand-père devient le livre de la mère.

 
J’entends des regards que vous croyez muets d’Arnaud Cathrine

L’auteur se définit lui-même comme voleur de vie. Il ne fait pas qu’observer, ils inventent les vies et lui-même a sa place dans cette vie avec des réactions personnelles. Il nous ouvre les yeux sur toutes ces vies que l’on croise sans prêter attention. Il nous conduit sur la mosaïque de notre humanité, de la vieille femme qui survit à la perte de sa splendeur par des bijoux en toc, à l’adolescent mélancolique.

On est dans le contemporain, échanges sur site, réseaux sociaux, nouvelles mœurs, nouvelle littérature, toujours dans le bonheur es rencontres.
« Les jours où je trouve à écrire dans mon carnet me vient le contentement bienheureux de qui a bien fait l’amour ».

Éric Broquère
La Méditerranée n’est pas une étoile morte – Revue La Fabrique de la Méditerranée

La Méditerranée est une aire, un espace où les styles de vie se ressemblent et s’opposent.
Lieux et villes où la mesure, la frugalité rivalisent avec la guerre et le tragique. Pays qui ont connu l’esclavage et le colonialisme et un art de vivre fait de simplicité, de danse, de musique et de fêtes. La Méditerranée ce sont les villes de la mer, Venise, Barcelone, Marseille, Tunis, Alger, Tel Aviv, Alexandrie, où cohabitent les trois religions monothéistes. La Méditerranée n’est pas une étoile morte, mais la mer de tous les dangers.

Prochaine réunion : mardi 18 juin 2019 à 14h30