Un concept
Jean Prouvé Charlotte Perriand
Le Corbusier,
une équipe dans la modernité
Le Corbusier, de son vrai nom Charles-Edouard Jeanneret, est né en 1887 dans le Jura suisse.
Un stage chez les frères Perret, de nombreux voyages, des rencontres multiples sont la base de sa formation et de sa passion pour la lumière, un style dépouillé, ainsi que le goût de l’harmonie. Toute sa vie sera marquée par son rapport à la nature : lumière, paysages, perspectives, couleurs…
La force de Le Corbusier réside dans sa volonté à faire aboutir son utopie. Conscient de ses faiblesses, il a su s’entourer des meilleurs partenaires pour réaliser ses rêves.
Avec son cousin Pierre Jeanneret, architecte, ils construisirent de nombreuses et luxueuses villas, les « maisons blanches ».
Charlotte Perriand, architecte et designer, participa largement à cette dimension créative. Elle est à l’origine du design des chaises et fauteuils signés Le Corbusier, ainsi que de nombreux aménagements intérieurs des Unités d’Habitation, comme le tableau coulissant des chambres d’enfants ou la cuisine ; ce petit espace permet d’avoir tous les équipements à portée de main en pivotant sur soi-même.
En nous replaçant dans le contexte et l’époque, nous citons Charlotte Perriand : « La ménagère constitue le centre du foyer et ne doit pas être reléguée à ses tâches, elle doit pouvoir communiquer avec sa famille et ses amis. » … et Le Corbusier : « Une cuisine bien faite vaut la paix au foyer. » …
Dans cette volonté de proposer bien-être et confort au quotidien, à tous, Le Corbusier s’appuie également sur le talent de Jean Prouvé qui a également participé aux aménagements des appartements des Unités d’Habitation. Un esprit d’avant-garde, associé à des préoccupations humanistes, Jean Prouvé révéla ses talents d’ingénieur et réalisa l’extraordinaire escalier des duplex de la Cité Radieuse, avec de la tôle pliée et quelques planches de chêne. Il a également conçu les poignées des portes coulissantes et la ferronnerie des baies vitrées.
Ainsi, ces esprits créatifs ont-ils tous contribué, par leurs idées innovantes, à la construction de ce qui constituera bientôt une œuvre architecturale du XXe siècle. Aujourd’hui encore, on s’émerveille de la modernité de ces éléments du quotidien qui organisent les appartements de l’UH et participent de la « machine à habiter ».
Le bâtiment est construit sur le principe de la verticalité
Origines du concept
Le Corbusier : « Oser et vouloir créer »
En 1907, la visite du monastère d’Ema, près de Florence, lui inspirera cette phrase : « Je voudrais toute ma vie habiter ce qu’ils appellent leurs cellules. C’est la solution […] du paradis terrestre. ».
Cette expérience le guidera notamment pour la conception des Unités d’Habitation, en gardant toujours un esprit créatif, innovant,… un précurseur !
A la fin de la deuxième guerre mondiale, dans une Europe détruite, l’urgence de la reconstruction et de la production de logements en nombre s’impose. Raoul Dautry, alors Ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, confie, en 1944, à Le Corbusier, la construction d’un immeuble expérimental qui serait le prototype d’un nouvel habitat social.
Pilotis, rues intérieures, loggias, toit terrasse et cellules traversantes à double niveau participent ainsi de l’œuvre architecturale de Le Corbusier. La première Unité d’Habitation de Marseille sera inaugurée en 1952. Quatre autres UH seront ensuite édifiées à Nantes-Rezé (1953), Berlin (1957), Briey en forêt (1959) et Firminy (1965).
Chartreuse d’Ema à Galluzzo décrite par Le Corbusier
Une architecture nouvelle
Dès 1926, Le Corbusier développe dans ses écrits et croquis un concept architectural qui sera la clé de voûte de toute son œuvre.
Quelques uns des éléments clés de ce concept : le plan libre associé à la baie vitrée qui fait la largeur de la pièce permettent d’optimiser l’ensoleillement ; l’élévation du bâtiment sur pilotis libère le terrain et la vue ; le toit terrasse offre un espace de loisir loin du bruit ; le brise-soleil laisse pénétrer le soleil en hiver et protège de la chaleur en été.
Le bâtiment est construit sur le principe de la verticalité, pour favoriser la distribution de la lumière et par opposition à la ville horizontale, dévoreuse d’espace
Le style architectural du Corbusier est moderniste, du courant brutaliste qui symbolise l’utilisation de matériaux sans parement. Le béton brut de décoffrage permet un jeu de rythmes décoratifs riches et innovants. On les trouve notamment sur les façades, les pilotis, ainsi que dans le hall d’entrée qui nous accueille dans une harmonie de textures et de lumières.
Cellule, mode d’emploi
L’Unité d’Habitation de Marseille, compte 337 appartements de 23 types différents, classés de A à H. Ils ont été conçus pour accueillir des familles de 1 à 10 personnes. La cellule A mesure 15,50 m², c’est le module de base. Le type B est composé de 2 cellules A accolées, etc, jusqu’au type H qui mesure 203 m².
Un appartement type E est le volume le plus fréquent. Pensé pour 4 habitants, il mesure 98m². Attention, il existe des spécificités inter-types.
Par exemple : ES est un type E supérieur, alors qu’un EI est un type E inférieur. Comment les identifier depuis la rue intérieure ? Les appartements pairs descendent alors que les appartements impairs montent.
La machine à habiter
Le Corbusier révolutionne la construction, les mesures et transforme la ville couchée en ville debout. Dans les années 50 certains crieront au fou ! « La société pour l’esthétique générale de la France » se mobilise activement pour faire arrêter le projet. Le Corbusier convaincra les autorités qu’il a conçu un logement collectif, facile à reproduire et capable de rendre les gens heureux, un prototype.
Ainsi naît la « machine à habiter » qui propose à tous les habitants : confort, lumière, de nombreux rangements, une cuisine intégrée, … le tout pensé selon une ergonomie adaptée au corps humain.
L’immeuble est également conçu comme un paquebot qui permettrait une vie en autarcie par l’implantation de commerces au cœur du bâtiment, tout en laissant un espace ouvert à la vie extérieure.
Une folie ou une vision ? Les qualités novatrices de l’édifice apparaissent aujourd’hui comme une évidence et demeurent incomparables. L’immeuble inspire toujours !
L’UH Marseille était née ! Bâtiment classé à l’inventaire des Monuments Historiques, inscrit au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, il comporte 337 appartements ; à l’intérieur, des modifications peuvent être apportées, dans les limites définies par le règlement de copropriété.
Nous sommes ici dans un joyau du patrimoine du XXe siècle.
Le Modulor, le nombre d’or se décline
Ce nom est la contraction de module et du nombre d’or. Le nombre d’or (1.618) est utilisé dans l’art et en architecture, on l’appelle aussi divine proportion. Le Modulor symbolise l’occupation de l’espace par le corps humain. Le Corbusier a inventé là une unité de mesure basée sur les dimensions d’un homme de 1m83 pour déterminer les volumes de tout l’édifice : hauteur des plafonds à 2,26m, hauteur des éléments de la cuisine à 0,70m qui s’inscrit dans un espace favorisant l’ergonomie d’utilisation des plans de travail, de l’évier et de la cuisinière.
Cette unité de mesure est symbolisée par un homme le bras levé (2m26) incarné par le Modulor.